lundi 11 avril 2011

Les contes du chaos (2011) de Zone Libre vs Casey & B. James


En retard la chronique de Raf, mais un retard amplement justifié (mon œil !) par l’excellente écoute de la semaine. Enfin !  une perle : Les contes du chaos, narrés par un collectif chaud bouillant.

D’un côté, Zone Libre, dernier projet en date de Serge Teyssot-Gay, ex-Noir Désir et par ailleurs à la tête d’un bel éventail de créations. On avait parlé ici il y a plusieurs semaines d’Interzone, duo formé avec Khaled Al-Jaramani, joueur d’oud. On avait aussi évoqué les projets solos de Sergio, notamment On croit qu’on en est sorti ou une mise en son du roman La peau et les os. Guitariste aux multiples facettes, Sergio convoque à ses côtés Marc Sens (guitariste autodidacte et grand improvisateur, ayant bossé avec Yann Tiersen) et Cyril Bilbeaud (batteur et ancien Sloy, groupe de rock indépendant qui fit les belles heures des années 1990).

De l’autre, Casey et B. James. La première, déjà à la tête d’une pléiade de titres personnels accrocheurs et percutants, signe là son deuxième album avec Zone Libre. Casey côtoie le second au sein du collectif rap Anfalsh (terme argot dérivé de l’allemand désignant un comportement perfide). Ils définissent leur musique comme du rap de fils d’immigrés. Autrement dit, ces deux-là ont des trucs à dire.

Rencontre chaude entre les deux camps, qui s’affrontent pour mieux se comprendre et finalement fusionner. A l’incandescence rock de Zone Libre, les échappés d’Anfalsh opposent des textes sans aucune concession, visitant tour à tour (et entre autres choses) la police, le patronat, le racisme, la banlieue, la crise économique, le monde d’aujourd’hui, et peut-être celui de demain. Casey et B. James ont donc des choses à dire, ils le font et de façon remarquable. Leurs mots, et plus largement cet album, sentent le combat et la violence. Une violence sociétale induite par cette même Société.

L’aventure musicale des Contes du chaos me rappelle une autre tentative rock-rap, celle de No One Is Innocent en 1995 avec les deux groupes EJM et Timide et Sans Complexe qui avait abouti au maxi Antipolitique.

Plus encore, ce brûlot musical urbain renvoie forcément à Rage Against The Machine : un savant mélange de guitares rock-fusion et une basse énorme servent de tapis à un flow ravageur qui ne souffre aucune attente. Chez RATM comme dans notre opus du jour, l’urgence du monde et des revendications urbaines ne tolère aucune tiédeur.
Comme une profession de foi, Aiguise-moi ça clôt la galette : « Et si on a croisé dans le bordel, nos deux musique entre elles/Gros bâtards de guitares et de cités dortoirs/C’est qu’on adore, bien s’occuper de notre clientèle/Viens ! Donne ta gorge qu’on aiguise nos scalpels ».

C’est avec un plaisir et une excitation non dissimulée que j’ai savouré Les Contes du Chaos, tout autant que je les ai pris en pleine tête. La sincérité des cinq protagonistes et du propos me laisse admiratif. Le double engagement, musical et idéologique, bouscule nos habitudes, nos certitudes et nos demi-mesures. Le projet va bien plus loin que le constat ou la revendication : il donne une furieuse envie de se bouger et de faire changer les choses, tout comme RATM de l’autre côté de l’Altlantique.

« Comment garder forme humaine quand la rage te domine » : en plongeant dans Les Contes du Chaos, une virée tonifiante dont on ne sort pas indemne.


Raf Against The Machine

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