Quittons cette semaine les nouveautés en tout genre pour réécouter une pépite de CDthèque. L’année 1968 nous rappelle notre moi de mai français, incontournable et fondateur, n’en déplaise au mari de Carla Bruni. Ce fut d’ailleurs un mois fondateur pour le monde, il suffit pour s’en persuader de voir l’excellent documentaire TV de Patrick Rotman, sobrement intitulé Mai 68.
1968 est aussi l’année où débarque sur les écrans de ciné un flic, Bullitt, incarné par Steve McQueen. Film unique en son genre, il contient deux pièces de choix devenues des classiques du genre. D’une part, la célèbre scène de course-poursuite dans les rues de San Francisco. Un modèle du genre, souvent repris et imité mais jamais égalé. D’autre part, sa bande originale, composée par le prolifique Lalo Schifrin.
Après être né en Argentine en 1932 et s’être formé notamment au Conservatoire de Paris, Lalo Schifrin bosse pour le label jazz Verve Records. Lequel appartient à la Metro-Goldwyn-Mayer, qui va rapidement embaucher le bonhomme pour composer des musiques de films. La liste est quasi-interminable : elle débute en 1958 et s’arrête (pour l’instant) en 2007, avec bien souvent plusieurs compositions par an. On a tous déjà entendu du Lalo Schifrin : L’inspecteur Harry, Mission impossible (série et films), Mannix, Starsky et Hutch, Opération Dragon ou encore Amityville, tout ça, c’est de lui.
La quantité nuit-elle à la qualité ? Parfois peut-être, pas ici. Pour s’en convaincre, une de ses BO les plus lumineuses et efficaces : Bullitt.
La musique de Schifrin colle au film et à ses différentes facettes : tendue lors des scènes à suspense (Ice Pick Mike), rythmée et syncopée pour les moments plus actifs (Shifting Gears), paisible et romantique lorsque le grand Steve l’est aussi (Bullitt Main Title ou Cantata for Combo). Quelque soit le titre, on y retrouve la patte jazzy de Schifrin qui fut, doit-on le rappeler, pianiste de Dizzy Gillespie, et qui n’a jamais abandonné ses activités de jazzman.
Cette BO va bien plus loin. Elle colle aux différentes scènes en en épousant l’ambiance et l’action. Elle colle également aux différents aspects de la personnalité de McQueen/Bullitt. McQueen colle d’ailleurs au film, puisqu’il est présent dans toutes les scènes du films, à une exception près. Bullitt est donc un tiercé gagnant, une sorte de triptyque composé d’un film, d’un acteur et d’une BO. Qu’on retire un des trois constituants et c’est l’ensemble qui s’écroule.
Sauf que... Sauf que cette BO est une petite merveille, pour toutes les raisons déjà évoquées, et pour encore deux autres.
Premièrement, elle sait s’effacer lorsqu’il le faut, et notamment pendant la fameuse course-poursuite. Les notes s’effacent pour laisser la place aux images incroyables et aux sons des deux moteurs de voiture, afin d’obtenir une scène culte d’un réalisme indéniable.
Deuxièmement, cette partition se paie le luxe de pouvoir exister comme une oeuvre musicale à part entière. Mettons entre parenthèse le film, posons la galette dans un lecteur : c’est un excellent CD jazz qui envahit nos oreilles et fait frémir tous nos sens. Ce niveau d’indépendance (tout comme la BO du jeu InFamous, jadis chroniquée ici-même) est la marque des grands enregistrements.
Formidable enregistrement jazz, BO redoutable, un des sommets de Schifrin : Bullitt est tout cela et bien plus. Une pépite parmi les pépites.
Raf Against The Machine
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