vendredi 22 octobre 2010

Dust Lane de Yann Tiersen (2010)

Les 5 précédents albums de Yann Tiersen ont beau prôner fièrement sur la tour à cd d'Emma, je dois avouer que, comme bon nombre d'entre vous je suis certain, ma connaissance du Brestois se résume à la BO d'Amélie Poulain, film qui a marqué de manière indélébile ma génération. Finalement, le genre de succès incommensurable que l'on traîne toute une vie, s'évertuant contre vents et marées critiques à persuader que l'on a évolué et que cette pépite de douceur parisienne c'est bien du passé. Ma découverte du nouveau Yann Tiersen a eu lieu cet été à la Route du Rock où le brestois accompagné de 16 musiciens a joué ce nouvel opus intitulé Dust Lane, littéralement "la file poussiéreuse" qui fait allusion à un voyage marquant à Gaza ( le titre Palestine ne fera que confirmer). Et là ce fut une déception, tout était réuni pour que je savoure le souffle épique de ces 8 morceaux qui cassent la structure habituelle couplet-refrain et que je me laisse porter par ces choeurs si dévastateurs. Oui mais Yann Tiersen ce soir-là a donné dans la surenchère et l'excès d'improvisation, ces 16 musiciens jouaient les uns à côté des autres mais pas ensemble et l'impression épique a peu à peu laissé place à la caricature orchestrale.

Le passage live ayant été peu convaincant ( il faut bien sûr relativiser car c'était leur première prestation scénique), je voulais tout de même écouter l'album-studio car je pressentais que le résultat pouvait être magnifique. Inviter Matt Elliott, Dave Collingwood de Gravenhurst, Josh T.Pearson, Laetitia Sheriff, Gaelle Kerrien de Moneypenny et les délicats Syd Matters paraissait être gage de qualité. 48 minutes plus tard (on est loin de la demie-heure en coup de vent de Tricky), quelque peu sonné par ce souffle épique qui a balayé les 8 plages (la métaphore filée du vent n'est pas une attaque implicite contre la météo bretonne je précise), je peux affirmer que cet album est un véritable bijou qui gagnera facilement sa place dans les meilleurs albums de 2010.

1.Amy nous plonge immédiatement dans le bain avec son climat sombre et son introduction digne d'Arcade Fire. Le jeu de contraste entre sonorités légères et cette voix caverneuse sortie d'outre-tombe, la montée en puissance portée par les choeurs en font un morceau imposant qui convainc et rappelle que Mogwai, dans cet album, ne sera jamais vraiment loin. 2.Dust Lane, le titre éponyme, démarre tout en douceur avec ces cordes qui donnent irrésistiblement une teinte mélancolique au morceau. Une voix féminine récite sobrement son texte, on vise la corde sensible tant on perçoit la détresse de Yann Tiersen. Seulement après 2 min 30 le morceau prend une toute autre tournure, la guitare accélère le rythme, les choeurs s'imposent et de nouveau la montée en puissance se fait imparable. Morceau addictif.

3.Dark Stuff prolonge la grâce avec son introduction où le violon se mêle au vent d'Ouessant qui siffle. Les couches de sons se mélangent, les sons indus dignes de l'univers de Gravenhurst apparaissent, le piano et le violon se répondent. Le morceau reste sur le fil aiguisé du post-rock et l'on perçoit à cet instant le paroxysme de la douleur qui étreint Tiersen. Que dire de 4.Palestine? Juste magnifique peut-être, ce nom de Palestine épelé inlassablement comme un besoin impérieux et cette montée en puissance tragique. Plus convaincant que tous les discours politiciens sur le Proche-Orient... 5.Chapter 19 prolonge la tension de l'album avant que 6.Ashes offre enfin la première trouée de soleil dans ce ciel noir ébène. Comme si l'espoir renaissait des cendres, le piano et les choeurs détendent les traits crispés du visage et la mélodie devient rapidement addictive. 7.Till the end va prolonger cette sensation peut-être illusoire d'apaisement dans ce joli contraste entre les sons indus et les choeurs plus lumineux. Le morceau s'arrête puis ce sont les violons et le piano criants de luminosité qui prennent définitivement le pouvoir. 8.Fuck me nous désarme défintivement, la musique douce contrastant avec la crudité trompeuse du titre. Les trois derniers titres de l'opus, après un début d'album très sombre, éclairent et l'on se surprend à souhaiter avec empathie que Yann Tiersen ait vaincu ses démons. Yann Tiersen aura mené à bien un projet ambitieux, à n'en pas douter il y aura un avant et un après Dust Lane dans sa discographie. Très grand disque à écouter d'urgence.




Sylphe

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